Refuge de Bufferre
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- Published on Tuesday, 16 August 2011 16:46
Le refuge de Bufferre se situe dans la vallée de Névache, lieu touristique connu pour les innombrables randonnées qu'il recèle. Après une heure de marche à partir du village, le voyageur arrive au chalet de bois dans un décor féerique. Un torrent longe le chemin au milieu des alpages, à perte de vue s'étendent des montagnes toutes plus hautes et plus attirantes les unes que les autres.
Claude et Bernadette ont construit eux-mêmes ce refuge il y a vingt ans, et en ont fait une halte très agréable pour les randonneurs désireux de se reposer, prendre une boisson fraîche ou un repas, voire rester pour la nuit ou plus longtemps. Nous nous y arrêtons pour nous protéger d'une pluie importune qui nous a surpris pendant notre escalade.
Après une invitation chaleureuse de Claude à nous installer et à faire comme chez nous, nous observons le va-et-vient des gens de passage, population plutôt internationale. Les uns arrivent juste avec les gros sacs-à-dos, une famille se divertit dans la salle lecture / jeux de société, d'autres encore se réchauffent autour d'un thé. Nous lisons avec intérêt plusieurs dépliants concernant les refuges de haute montagne et le département.
Après avoir profité d'un bon café, nous lançons donc la discussion avec le couple pour nous renseigner davantage sur la vie du chalet, leur rapport à l'écologie…
Le concept
Bernadette nous a exposé sa conception du refuge, agrémenté d'anecdotes montrant le décalage avec les attentes du tourisme de masse.
« On n'est pas à l'hôtel », ce sera une des phrases clé. Ici, on est invité à débarrasser sa table, on est prié de redescendre ses poubelles. « Tout le monde a mouillé le tee-shirt en montant jusqu'ici », dans le refuge tout le monde a le même statut social, donc le même droit au respect, mais aussi les mêmes devoirs. La simplicité est de mise et le lieu comme les personnes invitent à réfléchir une nouvelle fois à nos habitudes quotidiennes.
Certains tours-opérateurs ont arrêté de recommander le refuge de Bufferre parce que Claude et Bernadette se refusait à monter les bagages des visiteurs : chacun fait l'effort de monter au chalet, chacun est responsable de ses affaires et choisit ce qu'il souhaite emmener. Sur cette anecdote, nous sommes tombés d'accord pour dire que le monde du tourisme de masse n'est malheureusement pas compatible avec la montagne et ses contraintes.
L'isolement
Une caractéristique qui ne saute pas forcément tout de suite aux yeux, c'est l'isolement. Le chalet n'est pas desservi par la route, et le chemin qui y mène est peu praticable.
En y réfléchissant quelques secondes, cela pose d'évidents problèmes de transport. Une citation de Claude, « tout le monde veut sauver la planète mais personne ne veut descendre les poubelles », prend dès lors une toute autre dimension. En refuge, on a beau trier, ce n'est pas le camion-poubelle qui emmènera nos ordures loin de la vue ! Et les déchets générés, du fait du passage de nombreux voyageurs, ne sont pas du même ordre qu'un ménage usuel. C'est ainsi que prêter attention aux déchets que l'on génère devient d'autant plus évident.
Pour le transport, Claude et Bernadette ont opté pour un quad : il leur permet de descendre les poubelles, justement, mais aussi de remonter des provisions en quantité pour assurer leur service de demi-pension.
Mais l'isolement ne pose pas qu'un problème d'approvisionnement ou plus généralement de transport.
L'énergie
Il n'y a pas de pylônes qui arrivent jusqu'au refuge. On pourrait en amener, c'est sûr, on n'est tout compte fait pas si loin du village. Mais nos gardiens de refuge n'y tenaient pas.
Claude a fait installer une turbine à eau qui les rend complètement indépendant au niveau énergétique. Un tuyau de 1,4 km de long qui amène six litres d'eau par seconde, et la turbine se charge du reste : elle génère constamment cinq kilowatts. C'est plus qu'il n'en faut pour le chalet qui fait déjà une consommation raisonnable de son électricité. Cerise sur le gâteau, le surplus d'énergie est utilisé pour maintenir la température du chalet et chauffer l'eau des douches toute l'année !
Et l'eau utilisée, est-elle gâchée ? est-elle salie ? Pas du tout, la même quantité d'eau ressort de notre turbine, propre comme elle y est entrée, et s'en va rejoindre, après quelques lacets, le torrent d'où elle a été puisée. Seul coût : diminuer le débit de notre torrent de six litres par seconde sur 1,4 km. On a vu pire.
Les petits plus
Le chalet est pourvu de toilettes « classiques » reliées à une fosse septique. Mais Claude et Bernadette n'en ont pas moins installé une toilette sèche, à quelque distance du refuge, où les gens sont priés de se diriger pendant la journée, du moins pendant les mois chauds de l'année. La nuit, on épargne aux hôtes le trajet dans le noir : les toilettes classiques sont accessibles.
Les refuges entre eux et à l'extérieur
Nos gardiens nous décrivent les refuges comme des entités solidaires les unes des autres, toujours prêts à partager, discuter d'améliorations ou de problèmes rencontrés, et de trouver des solutions de manière commune.
Ces intérêts communs sont représentés par de nombreuses associations locales (Association des gardiens de refuges, Réseau Éducation et Environnement) qui se réunissent, en interne, mais qui se tournent aussi vers l'extérieur. Ainsi ces associations sont en bons termes avec les élus du département, et reçoivent fréquemment leur soutien. Par exemple, des fonds relatifs à des installations d'énergies propres ou une aide à l'obtention de l'Internet ont été procurés ces dernières années.