Sylvain : « C'est grand chez moi »

Ayant en tête le cliché du berger poète, solitaire, retiré, plutôt peu bavard, voilà une vraie surprise de rencontrer Sylvain, berger de 30 ans extraverti, qui vient nous parler dès que nos chemins se croisent. Depuis que nous étions arrivés à Névache, nous avions aperçu plusieurs fois les troupeaux de moutons, de proche ou de loin, ce qui nous a bien donné envie discuter avec un berger, d'apprendre davantage sur ce métier de gardien, un quotidien à l'intersection de la pureté et la dureté de la nature.

Vers 8h du matin, tout au début de notre périple ce jour-là, le chemin des Rochilles, mal équipés contre le temps humide et frais, c'est en passant le premier refuge que nous l'avons croisé. C'est lui qui nous a abordé en souriant : « vous allez loin comme ça ? » Jeune, mais avec un visage marqué par le temps, le travail et peut-être l'alcool, ce gars avec des yeux clairs et un sourire ouvert et fort nous a accompagné pendant une bonne heure. Ce fut une magnifique occasion pour nous de lui poser quelques questions. Nous étions impressionné de voir comment il maîtrise et dirige ses bêtes. Avec des indications parfois calmes, parfois assez bruyantes, il a fait travailler les trois chiens de troupeau.

Sylvain nous a raconté un peu son travail et le métier du berger. Travaillant à Névache pendant la saison, il est installé le reste de l'année avec sa femme, une collègue et leurs troupeaux d'environ 1200 moutons et chèvres dans le Vaucluse. À Névache, il garde un troupeau de 1500 bêtes. Pour les éleveurs ce n'est pas facile aujourd'hui, car il faut atteindre un seuil en nombre de bêtes (le chiffre dépend de l'espèce) pour obtenir des subventions. Les pâturages sont loués par la commune aux éleveurs.

La journée du berger se cale sur le rythme des moutons, de 8h à 18h. Ils mangent deux fois 4h avec une pause digestive. Selon Sylvain, et sur ordre de l'éleveur pour qui il travaille, « ils doivent être bien ronds avant de rentrer ! » Surveiller est épuisant, car les moutons risquent à tout moment de s'échapper. Et ils aiment bien n'en faire qu'à leur tête. Sylvain nous expliquait:  « Le mouton, tant que tu ne l’attrapes pas, il n'est pas à toi. »

Il faut faire attention aux loups, ajoute-t-il encore. Dans la vallée où nous étions, il y a un loup et puis il y a une meute de 8-9 loups sur un autre massif proche. Récemment, il y a eu plusieurs moutons tués. Mais il y a aussi de chiens errants dans la région. En lui demandant comment il distingue les uns des autres, il nous indique qu'un loup attaque pour manger, et qu'il tue ses proies tout de suite, contrairement au chien errant qui attaque et mange les moutons, sans forcément les tuer.

Arrivés sur la montagne, avant de nous quitter, nous l'avons demandé quel était son rapport à la nature, à l'environnement et à son métier, il nous a répondu avec un grand sourire: « Je suis nomade, j'adore la montagne et j'aime me déplacer, et comme vous voyez, c'est grand chez moi. »