Les éoliennes
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- Published on Tuesday, 30 August 2011 21:15
Claude (du refuge de Bufferre) nous avait parlé d'une étude sur la santé et les éoliennes publiée par la biologiste Nicole Lachat en juin 2011. À part les effets négatifs pour les animaux et l'éco-système en général, à cause du bruit principalement, nous n'avions jamais trop entendu parler des problèmes de santé provoqués chez l'Homme. Thème faisant appel à un regard interdisciplinaire par différentes professionnels comme la médecine, l'acoustique est la psychologie, il est peu étudié jusqu'à présent.
Sachant qu'aujourd'hui, bien qu'à petite échelle, la production de l'électricité par les éoliennes constitue une grande partie des énergies renouvelables et que l'industrie éolienne se développe, surtout en Allemagne, mais de plus en plus en France et le reste de l'Europe, nous étions d'autant plus curieux d'en savoir plus. Quelques questions nous sont venues à l'esprit à cet égard :
Combien de parcs éoliens compte la France aujourd'hui ? Qu'est-ce que cela représente en production d'électricité ? Quels sont les effets pour la santé humaine ? Quelle est la politique énergétique française actuelle ? Est-ce qu'il s'agit de suivre la mode du développement durable afin d'attirer les investisseurs ? Où est-ce la stratégie pour répondre aux conditions imposées par le protocole de Kyoto qui obligent les États à diminuer ses émissions de CO2 ?
Quelques références
Selon l'ADEME¹, environ 2 500 éoliennes produisant 3 300 MW en France en 2008, ce qui situe le pays au troisième rang du marché annuel et au cinquième en puissance mise en place sur le plan européen (Cf. L'ADEME 6329, 2009, p. 9). En Europe la production assure 3,7% de la demande d'électrique (Selon EWEA², Cf. Ibid. p. 10) Au niveau français la production assure seulement un peu plus de 1 % en 2008 (Ibid, p. 10). Selon une enquête BVA de 2008, la majorité des Français est favorable à l'éolien (à 83 %). Par contre, s'il s'agit d'un projet à moins d'un kilomètre de chez eux, l'affirmation baisse à 62% (Cf. Ibid. p. 18). Luttant contre l'installation d'éoliennes au niveau industriel, EPAW³ compte aujourd'hui 483 organisations dans 22 pays d'Europe (Cf. extrait de la préambule, Lachat 2011).
Des enjeux juridiques
La première loi Grenelle fixe un objectif de 23 % de notre consommation énergétique provenant de ressources renouvelables en 2020. Pour atteindre les 10% de la production par l'éolien en France, d'ici 2020 des installations seront réalisées permettant de produire 25 000 MW, dont 6 000 en mer, ce qui correspondrait à près de 8 000 éoliennes (Cf. ADEME 6329, 2009, p. 4).
« Les éoliennes doivent se situer dans des zones de développement éolien (ZDE), à une distance des habitations déterminée pas le volet acoustique de l'étude d'impact qui prend en compte la réglementation "Bruit et Voisinage". La distance entre éoliennes doit être de 400 mètres environ. Leur emprise au sol (surface surplombée par les pales) est d'environ 8 000 m². Un parc éolien de 10 machine couvre environ 10 ha (ADEME 6329, 2009, p. 13). »
« [...]des installations comme les éoliennes, implantées dans des zones de détente (forêts, zones naturelles) ne devraient pas exposer les personnes à des valeurs d’exposition supérieures à 40 dB la nuit et 50 dB le jour. En zones de sensibilité 2, ces valeurs sont de 45 dB la nuit et 55 dB le jour. En zone agricole, 55 dB la nuit et 60 dB le jour (afin de ne pas empêcher l’utilisation, limitée dans le temps, des machines agricoles)" (Lachat 2011, p.10). »
Quelques considérations
Nicole Lachat constate une certaine occultation de la problématique. Bien qu'il y ait beaucoup de plaintes par des riverains d’éoliennes industrielles, les effets sur la santé ne sont souvent pas pris au sérieux. Au lieu d'un débat public concernant sujet, nous sommes confronté à l'industrie du vent et à un marketing aggressif (Cf. Lachat 2011, p. 25).
L'argument principal est le bruit. Dans le document fourni par l'ADEME se note plutôt une position affirmative. Selon l'agence, le bruit provoqué par une éolienne se situe entre 40 et 60 dB ce qui corresponderait à peu près à une fenêtre sur la rue (Cf. ADEME 6329, 2009, p. 18). De plus, il est souligné que les éoliennes récentes sont peu bruyantes "et [que] des études n'ont pas montré d'impact particulier du bruit sur les riverains des parcs éoliens." Les auteurs arguent que l'éolien nuit moins à la santé car il n'y a pas de pollution de l'eau ou de l'air (Cf. ADEME 6239, 2009, p. 18). La chercheuse critique qu'en dépit des améliorations techniques vis-à-vis de l'émission du son, le fait que les turbines deviennent plus grandes et plus puissantes relativisent ce progrès. Autre détail très intéressant : les sonomètres de standard ne sont pas capables d'enregistrer des sons inférieur à 20 Hz. D'où l'argument : « ce qui ne s’entend pas ne peut pas nuire », avancé par des chercheurs (Cf. Lachat 2011, p.12). Pour contrecarrer cet argument, d'autres s'appuient sur le fait que les rayons UV ne sont pas visibles non plus. Comme le rappelle l'auteur, « [plusieurs études en Suède et aux Pay-Bas ont mis] en évidence le fait que la gêne occasionnée par une éolienne est plus problématique que celle générée par la circulation routière, aérienne ou ferroviaire, indépendamment du nombre de décibels mesurés (Pedersen et al. 2004/2007) » (Ibid. p. 20). D'après la biologiste, des bruits mécaniques et aérodynamiques sont émis (Ibid. p. 10). « Les grandes éoliennes produisent beaucoup de sons de basse fréquence dont certains se rapprochent des fréquences cardiaques. De nombreuses personnes sont très sensibles à ces sons (Vasudevan 1977) qui sont surtout perceptibles dans des environnements calmes (zones rurales et suburbaines), parfois à l'intérieur des habitations alors même qu’ils sont imperceptibles à l’extérieur » (Ibid. p.11).
Du au fait que la perception du son est quelque chose de très subjectif, il est d'autant plus difficile de mesurer l'impact du son. Dans son étude, Lachat s'interroge sur les infrasons émis par les éoliennes. Il s'agit des sons très grâve (avec une fréquence inférieure à 20 Hz). L'Homme ne les entend pas mais ils ont pourtant un effet sur lui. Par contre, certains mammifères comme l'éléphant et les baleines les utilisent pour leur communication. Comme précise l'auteur, « [...] au-delà de 20 kHz et en deçà de 20 Hz, notre oreille n’entend plus rien, mais nous pouvons ressentir ces sons avec notre corps (pulsations, pressions) et plus particulièrement avec notre cage thoracique » (Ibid. p. 7). La biologiste se réfère aussi à Nina Pierpont qui a dénoncé le syndrome éolien en 2009, syndrome qui peut provoquer des vertiges, des troubles de sommeils et des maux de tête ainsi que la perte de motivation, la perte de mémoire, et qui peut aggraver certains problèmes de respirations comme l'asthme (Cf. Ibid. p. 19). Faisant allusion à d'autres études, Lachat rappelle que les infrasons ont des effets sur la santé mentale (Cf. Ibid. p. 25).
Pour conclure avec Lachat : « Face à l’ampleur prise par les voix qui dénoncent les nuisances dues aux éoliennes partout dans le monde, il semble que la situation doit être réévaluée dans chaque pays, en mettant l’accent sur le point de vue humain plutôt qu’économique et en ayant le courage (ou la sagesse) d’éventuellement changer de cap » (Ibid. p. 29). Plusieurs recommendations sont données, concernant:
- l'implantation: « Les éoliennes sont des installations industrielles et non des machines agricoles. De ce fait, leur place n’est pas en zones agricoles mais en zones industrielles. Elles ne doivent pas non plus être installées en zones de détente » (p. 26).
- les études : il faut intégrer les riverains dans la réflexion, les écouter et ne pas se contenter de certaines normes tout simplement. « Le fait de se sentir partie prenante peut aider par la suite à mieux supporter d’éventuelles nuisances » (p. 27).
- la communication : il faut de la transparence de l'information. Il s'agit de décisions qui concernent les habitants d'une manière durable et c'est donc des décisions à prendre en commun.
Finalement, il est certain qu'il y a eu des améliorations concernant le bruit, notamment la diminution de la vitesse de la rotation des pales, montage des arbres etc.
Nous avons discuté de la question si l'installation de petites éoliennes chez les particuliers pourrait être une solution. L'avantage est que ce n'est pas compliqué à réaliser et que les particuliers pourraient les éteindre en cas de bruit gênant
Par contre, la perception du bruit reste subjective et cela pourrait poser des problèmes entre les gens, car certains se sentiront probablement plus gênés que d'autres. Nous avons appris que des particuliers peuvent participer à financer des parcs éoliens, ce qui pourrait contribuer à plus de transparence et de prise de décisions en commun et à long terme, peut-être.
Toutefois, la réflexion sur la question « Quelle forme d'énergie utiliser ? », doit toujours s'associer à la situation locale. Par exemple, dans une région de montagne, où les torrents et fleuves sont très puissants, l'installation de petite turbines pour générer de l'électricité peut être une idée durable. Toujours est-il que cela dépend de la volonté des gens et de la manière dont les choses sont mises en place. En parlant avec les gens, nous sommes souvent tombés d'accord sur le fait qu'il faudrait tout d'abord que chacun consomme moins d'énergie en général, et qu'il y ait une conscience pour la responsabilité de chacun. Le projet nous a amené à réfléchir sur notre propre comportement et à l'impact de notre empreinte écologique (ökologischer Fußabdruck). Nous sommes très contents d'avoir eu autant de conversations et d'informations à travers différentes personnes et des projets et endroits divers.
Sources
¹ ADEME, Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie www.ademe.fr
² EWEA European Wind Energy Association www.ewea.org
³ EPAW, European Platform Against Windfarms www.epaw.org
Dans l'air du temps, l'énergie éolienne. Les énergies renouvelables. ADEME 6329, Février 2009.
LACHAT, Nicole: Eoliennes et santé humaine. Revue de la littérature et recommandations, Juin 2011. www.epaw.org/.../Eoliennes_et_sante_humaine-Nicole_Lachat.pdf